Cultiver son jardin intérieur: « Minerve chassant les vices du jardin de la vertu »

La peinture de Mantegna nous encourage à éliminer nos défauts pour que nos vertus puissent se développer. "Minerve chassant les vices du jardin de la vertu, vers 1502, par Andrea Mantegna. Huile sur toile de 1,5 m sur 1,5 m. Musée du Louvre.
Photo: Domaine public
Par une chaude journée d’été, un professeur prépare ses cours dans son bureau. Il s’étire et prend une pause bien méritée. Il ouvre une fenêtre pour respirer l’air frais, profiter des rayons du soleil et, bien sûr, admirer son jardin. Il constate avec satisfaction que les graines qu’il a plantées au printemps de l’année dernière poussent et fleurissent. Le soleil éclaire ses légumes verts, les fanes des carottes, les pieds des tomates et, oh non… beaucoup de mauvaises herbes.
Trop absorbé par son travail académique des dernières semaines, il n’a pas remarqué que son jardin était envahi par des mauvaises herbes. Il sort et, après une triste inspection, il voit une foule de plantes indésirables. Elles se sont insidieusement glissées dans ses rangs de courges, de haricots et de tournesols. Il est temps pour lui de cultiver son jardin.
Au Moyen Âge, le jardin était symboliquement représenté dans l’art comme l’endroit où l’on cultivait les vertus de l’homme. En l’an 1279, le moine dominicain Frère Laurent d’Orléans écrivit un manuel d’instruction morale et religieuse à destination des laïcs, Le Livre des vices et des vertus ou Somme le Roi, composé d’une enluminure (décoration exécutée à la main qui orne un manuscrit « du latin manus, « les mains » et scribere, « écrire » ») intitulée « Le jardin des vertus ».
Plus tard, à la Renaissance, les artistes ont représenté les jardins comme des lieux allégoriques et se sont inspirés de la littérature classique, des mythes et des légendes dans leurs peintures. L’une de ces histoires est celle de Minerve, la déesse romaine de la sagesse et de la justice, qui veille sur le jardin céleste de la vertu. L’histoire raconte qu’au fil du temps, sa colère juste grandit lorsqu’elle vit le jardin envahi par les mauvaises herbes de nombreux vices.
Cultiver le jardin de la vertu
L’artiste de la Renaissance Andrea Mantegna (vers 1431-1506) a relaté cette histoire dans son tableau « Minerve chassant les vices du jardin de la vertu » (1502). Le tableau de Mantegna présente symboliquement les vices que les gens doivent éliminer par eux-mêmes.
Dans le tableau, Minerve est pieds nus et vêtue de son typique chiton (robe romaine) long jusqu’au sol, portant son casque de combat corinthien repoussé vers l’arrière pour révéler ses traits. Elle tient une lance et une égide, son bouclier étant orné d’une tête de Méduse qui éloigne le mal.

Minerve chasse les vices qui s’enfuient, terrorisés. Les cupidons, divinités mineures aux ailes de papillon de nuit qui ont semé la pagaille par malice dans le jardin, se dispersent à présent. Tout est en désordre, les créatures dépravées courent çà et là, luttant pour éviter la colère de Minerve.

À l’autre bout de cette mare aux diables, tout à droite, un muret de pierre affiche un message en latin : « Et vous, Ô dieux, prêtez-moi votre concours, moi la Mère des Vertus.» Serait-ce un papier laissé par Minerve ? Elle est madame Prudence, première des quatre vertus. Son appel à l’aide est doublé par le message porté par la femme-laurier à gauche : « Venez compagnes divines des vertus, vous qui êtes revenues du ciel, chassez de nos sphères les vices, monstres abominables ».





Au cours de la Renaissance italienne, les personnes cultivées et érudites ajoutaient un bureau privé, ou studiolo, à leur résidence pour y réfléchir, étudier les classiques et profiter de la compagnie d’amis partageant les mêmes idées. Ils concevaient cette pièce privée avec le plus grand soin, en utilisant du beau bois avec de la marqueterie, des sols polis et des œuvres d’art qui encourageaient la réflexion et la discussion.
En 1491, la marquise de Mantoue, Isabelle d’Este, commanda à Mantegna deux peintures pour son studiolo dans l’une de ses deux résidences, le Castello di San Giorgio à Mantoue, en Italie. Selon le site web My Daily Art Display, Mantegna, âgé de 70 ans, a mis quatre ans à réaliser la peinture de la Minerve. À cette époque, plus désenchanté que jamais, Mantegna écrivit à son duc : « Partout l’Ignorance fait obstacle à la Vertu (…) les présomptueux et les sauvages triomphent. »
À cette époque, Isabelle était l’un des principaux mécènes de l’art et faisait preuve de la plus grande prudence dans ses choix. Son biographe a écrit: « Dans ce sanctuaire d’où étaient bannis les soucis et les bruits du monde extérieur, Isabelle rêvait que les murs soient ornés de peintures exprimant ses idéaux de culture et invitant l’esprit à des pensées pures et nobles. »
Isabella a passé plus de 30 ans à décorer son studiolo, où elle a placé sa collection de livres, de bijoux, de camées antiques et de sculptures. Elle a constamment adapté ce cabinet de travail aux goûts changeants de la cour. Le studiolo contenait finalement cinq tableaux d’artistes, dont ceux de Mantegna, qui avaient tous pour thème la victoire de la vertu sur le vice.

Tout comme Minerve a nettoyé son jardin pour que les vertus puissent revenir et s’épanouir, il est possible d’éliminer les mauvais éléments en nous-mêmes pour que nos plus belles qualités puissent briller. L’élimination de nos vices peut être un travail difficile, mais cela permet aux fruits de notre travail de s’épanouir à l’automne de notre vie.


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