Opinion
« Made in China 2025 » échoue dans le domaine de la fabrication de pointe
La vision de Xi Jinping pour « Made in China 2025 » et pour une Chine chef de file mondial à l’horizon 2040 suppose la domination du pays dans la fabrication avancée, mais, à ce stade, seule une faible proportion d’usines chinoises répond aux critères les plus largement admis pour être qualifiées d’« avancées ».

Une ouvrière assemble des modules photovoltaïques destinés à des panneaux solaires dans une usine de Suqian, dans la province du Jiangsu (est de la Chine), le 23 janvier 2025.
Photo: STR/AFP via Getty Images
Le Parti communiste chinois (PCC) considère l’investissement massif dans la fabrication avancée comme essentiel pour renforcer la puissance nationale et asseoir la position du pays comme leader technologique mondial. Conformes au « 14e plan quinquennal », ces objectifs ont été portés par le programme des Manufacturing Innovation Centers (MIC : Centres d’innovation manufacturière). Lancés en 2015, en réponse au réseau américain « Manufacturing USA » et à l’« Industrie 4.0 » allemande, les MIC ont été conçus comme des pôles spécialisés de R&D et d’innovation, reliant industrie, instituts de recherche et pouvoirs publics.
Sur neuf ans, le PCC a investi plus de 300 milliards de dollars pour créer 33 centres d’innovation, avec un objectif de 40 d’ici 2025. Chaque centre s’adosse à des laboratoires d’État et à des partenaires régionaux pour former des écosystèmes de production dans des secteurs prioritaires définis par le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT), notamment la robotique, les semi‑conducteurs, l’aérospatial, la biopharmacie et les véhicules électriques. L’ambition était d’atteindre jusqu’à 80 % de production nationale dans ces filières à l’horizon 2025, afin de renforcer l’autonomie et réduire la dépendance aux technologies étrangères.
Le programme MIC est devenu un levier central du « Made in China 2025 », qui visait à faire passer la Chine d’une production d’entrée de gamme vers une production à forte valeur ajoutée portée par l’innovation. Ses missions incluent la promotion des normes et de la protection de la propriété intellectuelle, l’appui à la mise sur le marché de technologies nouvelles et l’accélération de l’adoption de la fabrication avancée dans l’ensemble du tissu industriel. Le 14e plan quinquennal (2021‑2025) a prolongé ces investissements massifs, en insistant sur la réduction de la dépendance aux fournisseurs étrangers pour des composants clés comme les circuits intégrés et sur l’intégration accrue des MIC dans les plans de développement nationaux et régionaux.
Malgré ces investissements colossaux, les résultats apparaissent contrastés. La production manufacturière chinoise a certes fortement progressé, mais la base industrielle reste hétérogène. La majorité des usines fonctionne encore avec un niveau technologique bas ou intermédiaire, sans automatisation poussée, intégration numérique robuste ni effort de R&D soutenu. Seule une part limitée répond aux critères de « fabrication avancée ». Des études du NIST et de MERICS indiquent que la Chine comble une partie de l’« écart en fabrication haut de gamme », mais la part de l’industrie avancée demeure réduite dans la production totale. Beaucoup d’entreprises ont accru leurs dépenses de R&D sans gains équivalents en productivité ou en innovation.
Dans le même temps, la stratégie chinoise a délibérément généré une surcapacité industrielle massive. La capacité de production solaire excède désormais la demande mondiale de deux à trois fois. Les usines automobiles tournent à environ 59 % de leurs capacités, tandis que les véhicules électriques sont souvent vendus à perte. Des subventions publiques épongent ces déficits, permettant à la Chine d’inonder les marchés étrangers de produits vendus en dessous des coûts et de sous‑couper la concurrence. La stratégie au long cours consiste à surproduire, inonder les marchés mondiaux puis pousser les concurrents à la sortie pour s’imposer en fournisseur dominant.
Sur ce terrain, la Chine a gagné des parts de marché, mais demeure en net retrait en matière d’innovation. Les États‑Unis, à l’inverse, n’ont investi qu’environ 160 millions de dollars dans plusieurs instituts de fabrication avancée, tout en restant en tête du développement technologique. La différence tient moins à l’ampleur des montants qu’à l’efficacité, à l’originalité et aux résultats en véritable innovation.
Le système chinois s’est aussi largement appuyé sur le vol de propriété intellectuelle. Selon le représentant américain au Commerce, la Chine reste l’un des pires contrevenants mondiaux en matière de PI, via l’espionnage et des intrusions cyber. Les entreprises étrangères opérant en Chine se sont en outre vu imposer des exigences de transferts de technologies comme condition d’accès au marché. Ces pratiques ont accéléré l’accumulation technologique du pays, sans pour autant renforcer sa capacité à innover de façon autonome.
Les droits de douane imposés par le président Donald Trump sur les produits chinois ont commencé à perturber ce schéma. Les investissements directs étrangers en Chine reculent, les entreprises américaines et d’autres pays étant de plus en plus découragées d’y fabriquer, ce qui réduit l’accès de Pékin aux technologies avancées. Cet effet secondaire — limiter le vol de technologies — pourrait ralentir les progrès technologiques chinois tout en encourageant une reprise de la recherche, de l’investissement et du développement industriel aux États‑Unis.
De telles mesures pourraient contribuer à restaurer la base industrielle américaine et à maintenir son avantage technologique. Cependant, si les républicains perdent la Maison Blanche en 2028, le pays pourrait revenir aux politiques défaillantes du passé, celles qui ont permis à la Chine de « nous voler la vedette », ce que l’ancien président Joe Biden avait autrefois déclaré impossible.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l'Université des sports de Shanghai et titulaire d'un MBA chinois de l'Université Jiaotong de Shanghai. Il travaille aujourd'hui comme professeur d'économie et analyste économique de la Chine, écrivant pour divers médias internationaux.
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